VERS UNE PHILOSOPHIE DIALOGIQUE DE LA DANSE
FOR A DIALOGIC PHILOSOPHY OF DANCE
- Thesis -
September 2019, Brussels
Final essay of my Philosophy degree written under the inspiring direction of Sophie Klimis at Saint-Louis University (Brussels).
INTRODUCTION [EXTRAIT]
Penser la danse peut sembler chemin par nature épineux voire impossible. Quand le philosophe porte son attention sur l’objet du monde qu’est la danse, il ne cherche, en effet et a priori aucunement à la réaliser, à se laisser entraîner, habiter ou gagner par celle-ci, sa tâche
philosophique requérant « seulement » et, semble-t-il, exclusivement de lui qu’il s’attache à penser cette pratique. De même, lorsqu’un danseur monte sur scène[1], son art semble tout entier se déployer à partir de la seule mise en jeu et en tension(s) de son corps, symbole par excellence
de l’ancrage dans le monde, de la pratique[2], et, ce, sinon à l’exclusion, tout du moins indépendamment de toute pensée ici entendue comme réflexion théorique. Dans un contexte culturel où les notions d’« esprit » et de « corps », de « théorie » et de « pratique » sont, depuis
plusieurs millénaires[3], perçues comme exclusives l’une de l’autre voire antagonistes, la rencontre entre philosophie et danse me semble fortement compromise, la première étant quasi systématiquement associée à l’esprit et, dans sa suite, à la théorie par opposition à la seconde
représentant, quant à elle, le paroxysme du corps et de la pratique. A l’instar de deux partenaires incapables de trouver une quelconque prise pour un porté qui, de ce fait, n’aura probablement pas lieu, la philosophie et la danse, lorsqu’ainsi envisagées, me semblent condamnées à
éternellement se manquer ou, au mieux, à possiblement s’effleurer sans jamais pouvoir s’étreindre ni même pleinement se toucher.
[1] Je m’intéresserai exclusivement, dans le cadre de cette réflexion, à la danse dite de concert, c’est-à-dire, à la danse destinée à être produite sur scène contrairement, par exemple, aux danses rituelles.
[2] Terme à comprendre en regard de sa racine grecque : prattô, je fais. Un agir, me semble-t-il, nécessairement lié au corps.
[3] La philosophie occidentale entretiendrait, en effet, depuis ses origines grecques, une conception complexe du rapport entre esprit et corps comme le restituent remarquablement certains dialogues platoniciens tels le Phèdre ou le Phédon. Le rapport complexe entre esprit (nous), cœur-ardeur (thumos) et affects (pathè) n’aurait été, que plus tardivement, appauvri et caricaturé, lors de la reprise de la pensée de Platon par le néoplatonisme et, dans sa suite, le platonisme.